Cypora SEBAGH


Le paradis des arbres
Quand j’étais un géant courtisé des Nuages
Régnant tel un pacha sous la voûtes des Cieux
Sertis d’argent et d’or, Ô que j’étais heureux
Grisé par le Zéphyr ou vibrant sous l’Orage !

Revêtu de flocons ou les pieds dans la mousse,
Lorsque le Vent soufflait au cœur de ma Forêt,
Auprès de mes amis la vie me semblait douce :
Mon âme s’exaltait quand le Coucou chantait !

Le peuple des Oiseaux nichant entre mes branches,
Dans le silence froid, leurs chants me réchauffaient,
L’Etoile se posait telle une rose blanche
Et, dans le Firmament, la Lune me veillait.

Je me sens si petit planté sur ce trottoir !
J’y rêve de Ruisseaux, de Sommets, de Falaises !
Mon âme se languit de sa Forêt landaise
Qu’elle ne verra plus… Tout à mon désespoir,

Si je vous fais rêver en cette nuit magique,
Fardé et décoré, brillant de mille feux,
Vous qui m’avez coupé en offrande à un dieu,
Pourtant, je m’éteindrai à l’instant fatidique

Et finirai ma vie un soir de février
Quand vous allumerez la cheminée de marbre,
Je m’y consumerai, tout recroquevillé…
…Y a-t-il, quelque part, un paradis des arbres 
L'Arbre de la Terre
Hiver repose, les sèves figent, somnolent,
Printemps éveil,  les feuilles éclosent, volent
Eté épanouit, les branches s’étirent, se lissent
Automne apaise,  les racines s’agrippent, puisent.

A la Seconde la vie clame naissance en tout éclat
Aux Minutes les papillons batifolent aux miellats
Aux Heures les abeilles mélangent pollens et cumulent
Un Jour les éphémères, des humus se bousculent

La Nuit étoile la couronne déployée
Au Matin chante l’oiseau sur la branche
Au Jour l’écureuil grappille et engrange
Au Soir hibou guette du creux entaillé

Semaine sept temps éclos les bourgeons
Trimestre quatre temps rapportent prémices
Semestre deux temps Equinoxe et Solstices
An douze temps, nature compte floraisons

Années dans le tour d’un univers de lumière
Portent les cycles qui engendrent la vie libre
Chaleur et pluie complaisent au bel équilibre
Inspiré par un grand Maître, l'Arbre de la Terre

Sabine SIGAUD (1913-1928)

Premières feuilles
Vous vous tendez vers moi, vertes petites mains des arbres,
Vertes petites mains des arbres du chemin.
Pendant que les vieux murs un peu plus se délabrent,
Que les vieilles maisons montrent leurs plaies,
Vous vous tendez vers moi, bourgeons des haies,
Verts petits doigts.

Petits doigts en coquilles,
Petits doigts jeunes, lumineux, pressés de vivre,
Par-dessus les vieux murs vous vous tendez vers nous.
Le vieux mur dit : " Gare au vent fou,
Gare au soleil trop vif, gare aux nuits qui scintillent,
Gare à la chèvre, à la chenille,
Gare à la vie, ô petits doigts !

Verts petits doigts griffus, bourrus et tendres,
Vous sentez bien pourquoi
Les vieux murs, ce matin, ont la voix de Cassandre.
Petits doigts en papier de soie,
Petits doigts de velours ou d'émail qui chatoie,
Vous savez bien pourquoi
Vous n'écouterez pas les murs couleur de cendre...

Frêles éventails verts, mains du prochain été,
Nous sentons bien pourquoi vous n'écoutez
Ni les vieux murs, ni les toits qui s'affaissent ;
Nous savons bien pourquoi
Par-dessus les vieux murs, de tous vos petits doigts,
Vous faites signe à la jeunesse !